Les Sopranos

Les sopranos sont celles qui chantent le plus haut, ce qui leur fait croire

qu’elles dominent le monde. Elles ont des cheveux longs, des bijoux

fantaisie, et des jupes plus froufroutantes que les autres. Elles se

considèrent bafouées si on ne leur permet pas de monter au moins au fa

« d’en haut » dans n’importe quel mouvement de n’importe quelle œuvre.

Lorsqu’elles y arrivent, elles tiennent les notes au moins une fois et demie

la durée requise par le compositeur et/ou le chef, puis elles se plaignent

que ça tue leur voix et que le compositeur et le chef sont des sadiques.

Bien qu’elles considèrent tous les autres registres comme inférieurs au

leur, elles ont des attitudes variées à l’égard de chacun d’eux. Les altos

sont aux sopranos ce que les seconds violons sont aux premiers violons:

c’est agréable harmonieusement, mais pas vraiment nécessaire.

Toute soprano pense intimement que l’on pourrait supprimer les altos

sans changer l’essence même de l’œuvre, et elles ne comprennent pas

pourquoi il y a des gens pour chanter dans cette tessiture – c’est si

ennuyeux.

En ce qui concerne les ténors, on aime bien en voir autour de soi; en plus

des possibilités de flirt (car il est bien connu que les sopranos ne flirtent

jamais avec les basses), les sopranos aiment chanter les duos avec les

ténors parce que, du haut de leur stratosphère, elles aiment les voir

travailler durement pour arriver dans une tessiture qu’elles considèrent

basse à moyenne.

Quant aux basses, ce sont les rejets de l’humanité – ils chantent

beaucoup trop fort, et toujours faux (comment peut-on chanter juste

dans une tessiture si basse), et, de toute façon, il doit y avoir un

problème avec ces gens qui chantent en clé de fa. Pourtant, bien qu’elles

se pâment à l’écoute des ténors, elles finissent quand même par rentrer à

la maison avec les basses.