Silence !

Qui n’a pas entendu dire que le silence qui suit une œuvre de Mozart est encore du Mozart ? On pourrait en dire autant des quelques secondes qui précèdent l’exécution d’un morceau : on est déjà dans la musique sans que pour autant le moindre son soit émis. Parfois, l’aspect le plus important d’un discours réside dans le non-dit.

De la même manière, ce sont parfois les notes que vous ne jouez pas qui peuvent faire la différence dans une partition. Ces notes silencieuses s’appellent simplement des silences. Quand vous voyez un silence dans une partition, vous n’avez rien d’autre à faire qu’à compter les pulsations.

Le travail sur les silences est particulièrement important pour la musique jouée collectivement. Dans ce contexte, l’instrumentiste qui doit jouer un silence peut s’appuyer sur le reste des instrumentistes qui continuent à émettre des sons pendant ce temps. Les pulsations défilent en même temps que la musique, et si vous ne comptez pas bien au silence, vous risquez de rentrer (terme musical signifiant recommencer à jouer) trop tôt ou trop tard, mettant en péril tout le groupe d’instrumentistes et, par là, la musique que vous interprétez.

Ne vous laissez donc pas tromper par ce nom ! Un silence dans une partition n’est pas pour autant un moment de sieste !

Si vous ne comptez pas scrupuleusement et régulièrement les silences indiqués, exactement comme si vous aviez des notes à jouer, la pièce se terminera sans vous. Si l’on veut faire une analogie, on dira que les silences correspondent aux espaces entre les mots à l’intérieur d’une phrase. Sans ces espaces, on aurait plusieurs mots regroupés en un seul mot et sans césure, bref un véritable charabia incompréhensible!
Il faut considérer les silences comme des respirations, indispensable à la musique en général et particulièrement à telle ou telle phrase musicale. Ils évitent l’étouffement, la surdose musicale. Les silences participent à leur manière à la dramatisation, à la poétisation ou à l’allégresse suivant la partition.

On peut dresser un grand schéma à mettre en parallèle avec l’arborescence des valeurs de notes. Mais celui-ci vous sera moins utile maintenant que vous avez compris le fonctionnement des durées de notes. Il est donc plus simple d’affirmer que : à chaque valeur de notes est associé un silence de même durée.
Les silences sont constitués de dessins que l’on peut diviser en trois catégories :
• la pause et la demi – pause faite d’un petit rectangle noir ;
• le soupir à la forme assez bizarre (un sept à l’envers).
• les demi-soupirs et l’écart de soupir à ses proches d’un sept n’ont barré, avec un ou deux crochets selon le cas.

Le soupir.

C’est le silence équivalent à la , valeur qui reste notre « unité de temps ». C’est donc un silence fréquent, notamment dans la musique instrumentale. Sa mise en place ne nécessite aucun effort, au contraire puisqu’il s’agit de les mettre aucun son entre-deux pulsations. Le soupir est plus difficile à écrire qu’à réaliser !


La demi-pause.

C’est le silence équivalent à la blanche donc de longueur égale à deux , soit deux temps « vides ». C’est le premier signe que l’on doit présenter sur une portée car la demi- pause s’y inscrit à un endroit précis : au-dessus de la ligne médiane.

La pause.

C’est le silence rêvé du choriste paresseux : rien à faire qu’à compter plusieurs temps ! Il présente la particularité d’avoir de valeur possible :
• A priori, la pause était l’équivalent de la ronde, auquel cas elle dure quatre temps dans notre système.
• Mais la pause peut également durer une mesure entière, quelle qu’en soit la longueur. Notre choriste paresseux sera ravi de savoir qu’il existe des mesures qui contiennent beaucoup plus que quatre temps.
Comme pour sa demi-sœur la demie pause, on ne présente la pause que sur une portée afin de bien la situé. La pause ne se pose pas ! Et suspendu sous la quatrième ligne.

Le demi-soupir.

Comme pour la croche dont il est le cousin « silencieux », le demi-soupir ne peut se rencontrer seul, auquel cas cela constituerait un temps incomplet. On ne va pas non plus lui associer à un autre demi-soupir jumeau car dans ce cas on écrirait plutôt un soupir. Le cas le plus fréquent est de croiser un demi-soupir avant ou après une croche ; le résultat sonore est très différent dans l’un et l’autre cas.

Dans le premier cas, fréquent est facile, la réalisation sonore était assimilée à une noire abrégée.
Texte musical débutant par le rythme croche demi-soupirs (le carnaval des animaux, Camille Saint-Saëns).

Dans le second cas, assez fréquent mais plus difficile à réaliser, le résultat rappelle le hoquet ! Pour être plus précis il faut imaginer chanter ou jouer deux croches dont la première est silencieuse. Mais reconnaissons que l’exercice peut être périlleux.

Le quart de soupir.

Ici, pas le temps de se reposer. Bien au contraire, le moindre relâchement, et la musique se poursuit sans vous ! Dans la pratique, on a vu que la double croche qui lui correspond se rencontre principalement par groupes de quatre. Il en est de même pour son silence : vous ne croiserez certainement le quart de soupir que dans une figure bien précise lorsqu’il remplace la première d’une série de quatre doubles croches ; le résultat est plutôt haletant.

Pour aller plus loin.

Comme on a présenté des figures de notes rarement utilisées (pour ne pas dire jamais), on peut prendre quelques risques avec les silences équivalents (que vous avez donc si peu de chance de croiser dans une partition). Ce sont les suivants :
Le bâton ou la double pause qui correspond à la (l’équivalent de huit temps vides : le repos absolu !). On le dessine comme un carré (c’est un comble quand on pense que la note carrée, elle, ne l’est pas !) Entre les troisièmes et quatrièmes lignes ; ce signe étant présent essentiellement dans les partitions de musique ancienne (avant 1750).
En revanche, il y a une autre indication de silence que vous pourrez rencontrer plus fréquemment : la pause multiple, qui se dessine comme un segment assez étiré sur la ligne médiane, surmontée d’un chiffre indiquant le nombre de mesures entières pendant lesquelles se prolonge le silence.
Le huitième de soupir et le seizième de soupir corresponde respectivement à la triple croche et à la quadruple croche.

Silences liés et silences pointés

On ne lie pas de silence. La liaison entre deux notes indique le prolongement de la durée de la première note sur la durée de la deuxième : le son est ininterrompu. Dans le cas des silences, on ne voit pas très bien ce qui différencierait deux silences consécutifs liés des mêmes silences consécutifs non liés, la durée du premier se prolongeant sur le deuxième sans que le silence en soit interrompu.
Presque tous les silences sont «pointables ». Traditionnellement, sans que l’on sache trop pourquoi, on ne pointe pas les noirs mais cette tradition se perd et il n’est pas iconoclaste de rencontrer un soupir pointé plutôt que le duo soupir quart de soupir (soupir pointé = soupir plus quart de soupir puisque le point prolonge le signe qui le précède de la moitié de sa valeur). Dans la pratique, il y a peu de chances que vous rencontriez un silence pointé, sinon une demi-pause pointée. Qui vous fera patienter le temps de trois soupirs.